(1680) — Les troupes anglaises cherchent à faire ployer l'Irlande depuis quelques décennies déjà, et nombreux sont ceux qui osent leur tenir tête depuis les ombres. Ceux-là se réunissent en groupes, tentant des manœuvres dissimulées, cherchant à retrouver cette liberté confisquée. Mais la chance n'est pas toujours dans la balance de l'Irlande durant cette période et, un jour, l'un de ces groupes est retrouvé par plusieurs soldats anglais ; il ne leur sera fait "aucun mal", ne s'agissant, officiellement, que d'un rappel à l'ordre... Mais neuf mois plus tard, c'est un nourrisson qui déchire le silence par ses cris aigus, plongeant la mère dans une honte sourde et un désespoir douloureux sous les regards pleins de questions de ses confrères.
Le gamin ne doit sa survie qu'à la bonne volonté de quelques femmes de la bande refusant de donner la mort à un enfant venant de naître, et au lait d'une de leur ânesse. Mais la mère ne se décide pas à le prendre sous son aile avant de longs mois qui se transforment en une paire d'années. C'est lorsqu'elle constate qu'il vit toujours et apprends rapidement qu'elle finira par reprendre son rejeton en main, lui donnant même un nom. Cahir, le guerrier. Elle a des projets pour cet enfant, lui chante que ce sont les dieux qui le veulent ainsi.
Plus tard, il devra tuer ce père qui court toujours.

(1692) — Cahir est âgé de douze ans lorsque les Pestes se déchainent sur le monde. Pris au piège entre les troupes anglaises et la pestilence qui se répand, la petite bande de résistants irlandais finira réduite en cendres, le gamin ne devant sa survie qu'à ses nouveaux pouvoirs d'invisibilité.
Le soir-même, il vengera cette famille perdue, charcutant sans vergogne ces quelques soldats qui finiront abandonnés aux charognards et à quelques opportunistes passant dans le coin. Dans ce massacre, Cahir ne reconnait pas la silhouette de ce père qu'on lui avait souvent décrit. Alors, il reprend sa route.
Il finira par voler les quelques chevaux, cherchant désespérément quelque part où aller... jusqu'à entendre parler de Salem durant son périple. Les montures volées revendues contre quelques pièces, le farfadet ne fit que se glisser à bord de l'une de ces embarcations direction l'autre continent.

(1697) — A Salem, Cahir ne se laisse pas abattre. Il travaille dur, puis rachète une boutique — non sans dépouiller quelques innocents — afin d'y fonder un café-théâtre, engageant par la suite une majorité de femmes. C'est parmi elles qu'il apprendra à apprécier la douceur de leur silhouette, et même jusqu'à l'envier devant ses miroirs. Cahir a dix-sept ans quand il se laisse décorer de quelques artifices "pour rigoler". Il en a dix-huit quand il chaparde une des robes de ses filles, juste "pour essayer". A vingt ans, puis chaque année, il viendra parader avec elles, à quelques occasions, attirant systématiquement bien des regards et des remarques. Par la suite, rejoindront ses rangs "quelques garçons qui veulent être libres".
Attiré par le gain comme un dragon par l'or, l'Epona lui permet non seulement de garder un œil sur les allées et venues de la ville, mais aussi de récolter une certaine fortune en plus de nombreux secrets coûteux. Parait-il que l'alcool sait particulièrement libérer les langues...
Malgré cette chance qui semble lui sourire à un jeune âge, Cahir est dévoré par l'idée de ne jamais retrouver ce père et de ne pouvoir honorer la mémoire de sa mère.

(1792) — Les dieux se font discrets, Cahir craint qu'ils l'aient délaissé quelques fois. Perdre leur faveur serait échouer à tout ce que sa mère souhaitait de lui. Il n'a toujours pas la moindre nouvelle de son père, se demande même s'il en aura un jour tant ils ne savent plus rien du monde extérieur depuis tant d'années.
D'un autre côté, l'Epona bat son plein, chaque jour des records sont battus et nombreux sont ceux à se pousser pour assister aux pièces jouées sur la jolie scène éclairée de bougies parfumées. Le farfadet se plait dans cette nouvelle identité de comédien où sont représentés bien des fables et autres mythes, appréciant même faire quelques fois lui-même des apparitions dans ces histoires, tantôt sous des traits masculins, tantôt sous des traits féminins.
Mais, Cahir, c'est aussi un scélérat, un petit rat que peu arrivent à voir. Il vole, pille, échange, charme et arnaque avec habilité, se plaisant à toujours relever des défis de plus en plus corsés. Et quelque chose lui dit qu'il n'est pas encore au bout de ses surprises...